I
- Discours et programmes des candidats concernant Internet
En mai
2001, six mois avant le début réel de la campagne présidentielle,
la France n'est entrée que dans une phase de précampagne.
Les programmes des partis sont donc encore en gestation, même
si certains thèmes majeurs ont déjà été dévoilés comme la
réforme de l'Etat ou le refonte du dialogue social. Le débat
sur l'Internet, rarement considéré comme central par les membres
de la classe politique, n'est pas encore abordé dans une perspective
de campagne. Il est pour l'instant davantage centré sur les
chantiers législatifs mis en œuvre par le gouvernement, à
commencer par le projet de loi sur la société de l'information
dite loi de l'Internet, présenté par le secrétaire d'Etat
à l'industrie, Christian Pierret. De plus on en est encore
à dresser un bilan de l'usage et du débat sur l'Internet pendant
les élections municipales.
Les propositions
des partis à ce sujet manquent singulièrement de précision,
si bien qu'on ne peut pas encore parler de programmes. Les
seules mesures ciblées évoquées ne concernent pas directement
la campagne 2002 : la mise en place du vote électronique n'est
prévu, de source européenne, que pour 2003. Néanmoins, certains
thèmes de la campagne 2002 concernant l'Internet peuvent déjà
être devinés tant leur attrait politique semble évident.
>
Après la "fracture sociale", la "fracture
numérique" comme thème de campagne ?
Plus
de deux Français sur trois ne se sont jamais aventurés sur
le net. Huit sur dix s'y disent même insensibles. Peut-on
parler de fracture numérique quand une si faible minorité
de Français dispose d'une connexion? Est-ce un thème payant
pour les candidats aux élections de 2002? Du fait de cette
marginalité, l'Internet n'a été que rarement mentionné au
cours de la campagne municipale : il ne saurait encore être
un thème majeur lors de la campagne 2002. D'autre
part, la fracture numérique se creuse davantage entre la France
et les autres pays développés qu'à l'intérieur même de la
société française, où l'usage d'Internet est loin d'être réservé
aux seules classes défavorisées. L'Internet pourrait donc
être utilisé comme argument dans une réflexion plus globale
sur l'état de la France par rapport à ses concurrents.
Néanmoins,
la fracture numérique telle qu'elle est globalement perçue,
conditions d'accès inégales aux réseaux de la société de l'information
conserve une certaine pertinence. Chiffres à l'appui, les
candidats pourront invoquer cette fracture contre les candidats
de la majorité. L'Internet concerne 2,7% des internautes contre
35,8% des cadres et professions libérales. Une situation d'autant
plus défavorable pour le gouvernement qu'il s'est fortement
investi dans le domaine. Lionel Jospin a mentionné dès son
discours d'Hourtin (université de la communication) en août
1997, le problème de la fracture numérique : "nous
refusons que le fossé séparant ceux de nos concitoyens qui
maîtrisent ces nouveaux outils du reste de la population s'accroisse".
Jacques a récupéré ce thème, une version très XXIème siècle,
de la fracture sociale mise en lumière lors de sa campagne
présidentielle en 1995. Le gouvernement en affichant fortement
sa volonté de développer la Toile a pris le risque que l'échec
lui soit imputé. En
effet, la concrétisation des mesures annoncées tarde (cf.
la loi Internet).
Une
critique globale sur l'efficacité du gouvernement. Des
critiques plus ciblées également sur les moyens mis en œuvre
pour combattre cette fracture numérique. Jusqu'à présent un
consensus du gouvernement s'est en effet porté sur la nécessité
de "multiplier les points d'accès". On dénonce également l'intérêt
à peine voilé des grandes compagnies de télécommunication
(Noos, Cegetel), principaux freins à la baisse des prix et
dont la principale, France Télécom, est contrôlée par l'Etat.
Le parti communiste qui centre sa réflexion sur l'Internet
sur l'insuffisante égalité d'accès au réseau, pourrait exploiter
cet argument.
Précisons
toutefois que le concept de fracture numérique risque de servir
d'alibi aux politiques. Il permet en particulier au parti
socialiste de retourner à son avantage une tendance de fond
sur laquelle le gouvernement n'a que peu de prise, l'accroissement
global des inégalités de revenus entre privilégiés et laissés-pour-compte.
> Les discours et prises de positions quant aux usages
de l'Internet
On perçoit
donc globalement que la campagne devrait tourner autour des
positions déjà exprimées sur les problèmes liés à l'Internet.
Tandis que le Parti socialiste devrait mettre en valeur l'œuvre
non négligeable réalisée en quatre ans dans le cadre du programme
d'action gouvernemental pour la société de l'information (PAGSI),
le premier discours d'Hourtin étant à ce titre fondateur,
le candidat probable Jacques Chirac devrait prendre pour base
les réflexions exprimées à maintes occasions au cours de son
septennat. Il distingue généralement deux thèmes de réforme
majeurs pour l'Internet : la garantie d'un accès de l'ensemble
du territoire à l'Internet. Il exprime ainsi son inquiétude
de voir le progrès profiter exclusivement aux grands pôles
urbains. Une occasion de montrer une fois encore sa fidélité
aux campagnes. Il encourage également la lutte contre la cybercriminalité,
soulignant la crainte que nombre de Français éprouvent au
sujet de l'Internet à cause des risques de fraude et d'escroquerie
en ligne. Quant aux Verts, ils se veulent porteur d'une certaine
sensibilité, celle d'un "Internet non marchand et solidaire",
véritable contre-pouvoir d'une certaine mondialisation.
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